Monastère des dominicaines de Lourdes

 

La Vénérable Mère de Saint-Catherine
Professe du Monastère de Langres (1646)

Nicole Robert, née à Dombrot, village de Lorraine, était compagne d'âge et amie intime de Anne Estienne, native de la même localité. Nous avons raconté, au 28 octobre, les circonstances qui décidèrent la vocation dominicaine de Mlle Estienne. A peine eut-elle pris sa détermination, qu'elle alla en faire part à Nicole Robert et la pressa de suivre son exemple.
«Je n'ai garde, dit elle, de me séparer de vous; nulle entreprise ne m'est plus agréable, car je suis résolue de me donner entièrement à Dieu.» Toutes deux, encouragées par les bénédictions de leurs religieuses familles, firent leurs préparatifs de départ et arrivèrent à Langres, le cœur joyeux.
En saluant les Mères Canchry et Guyotet, fondatrices du monastère de l'Assomption du Tiers-Ordre, Nicole leur dit: «Je ne vous apporte pas grand chose, mais un très vif désir de vous être soumise en tout. » Les vénérables Mères, persuadées qu'une volonté sincère d'être parfaitement à Dieu, soutenue des qualités propres a faire l'édification d'une communauté, valait mieux que la plus riche dot, et reconnaissant ces dispositions dans leur postulante, l'admirent sans hésiter, avec sa compagne.
Les deux amies prirent ensemble le saint habit, le 15 septembre 1630; Nicole fut appelée Sœur de Sainte-Catherine, Anne Estienne Sœur Anne de Sainte-Agnès.
Tout le temps de sa probation, Nicole de Sainte-Catherine soutint vaillamment l'ardeur de sa première démarche, et, quand elle eut contracté l'engagement de îa profession solennelle, on la vit marcher à pas de géant dans la carrière des vertus religieuses. Son excellent naturel, la droiture de son esprit, la bonté de son cœur, sa respectueuse obéissance, sa chanté pour ses compagnes, l'estime qu'elle faisait de tous les points de la règle, son exactitude à les observer: tout cet ensemble la présenta comme un sujet de grande espérance. Un champ si riche était facile à exploiter, les fondatrices le cultivèrent avec soin. Femmes de mérite, elles s'entendaient, du reste, dans la formation des jeunes âmes confiées à leur sollicitude, et savaient leur inculquer l'esprit qui les animait elles-mêmes et qu'elles Voulaient voir rayonner dans toutes les religieuses de leur Tiers-Ordre. Sœur Nicole, entrant dans les sentiments de ces admirables servantes de Dieu, se conformait pleinement à leur manière de vivre. Jeûner, manger avec elles des légumes, du pain et quelques fruits, lui agréait mille fois mieux que la possibilité d'être délicatement nourrie dans une maison plus aisée. A l'austérité de la nourriture elle ajouta l'usage d'instruments de pénitence, afin de châtier le corps et d'assouplir l'esprit. Elle n'eut pas de peine à se plier aux exercices de la discipline régulière, à la récitation de l'Office, à l'oraison mentale, à la vie intérieure. Les vénérées Mères voyaient avec consolation, chaque jour, ses progrès dans la science des saints et dans la pratique des préceptes et des conseils évangéliques.

De son côté, Nicole de Sainte-Catherine eut toujours pour leurs personnes même déférence, même affection, même zèle à développer le bien qu'elles avaient établi. Elle persévéra dans cette disposition non seulement tout le temps de leur vie, mais encore les années qu'elle leur survécut. Elle s'était fait une loi d'imiter leur manière d'obliger le prochain, ce qui donnait un double agrément à sa pratique de la charité. Prévenant ses compagnes avec honneur et dévouement, elle partageait leurs travaux, surtout les plus rudes, les consolait dans leurs peines, les soignait dans leurs maladies. D'une humeur toujours égale, elle recevait la contradiction sans amertume; regardant ses Sœurs comme lui étant supérieures, elle leur soumettait volontiers ses pensées, ses sentiments, sa manière de voir.
La V. Mère possédait les vertus qui caractérisent une parfaite Religieuse. Elle était venue chercher la pauvreté de Jésus-Christ dans une maison dont le dénuement rappelait Bethléem. Sa constante préoccupation fut de suivre de près la pauvreté du Sauveur, pour la nourriture, l'habillement, tous les objets à son usage. Son esprit et son cœur demeuraient parfaitement détachés: «Trop avare, disait-elle, l'âme à qui Dieu ne suffit pas! »
Avec non moins de circonspection elle garda le précieux trésor de sa virginité. Dans le monde, elle avait évité soigneusement ce qui aurait pu la ternir. Dans le monastère, engagée par le vœu d'une chasteté perpétuelle, elle s'étudia à rendre cette fleur chaque jour plus belle et plus parfumée.
L'obéissance fit un holocauste parfait de sa volonté à Dieu. Elle l'observa très fidèlement. Il sembla, sous ce rapport, que Dieu l'avait destinée à servir de modèle, dans ces débuts, afin d'encourager celles qui viendraient se grouper autour d'elle, pour asseoir sur des bases solides l'édifice spirituel du monastère de Langres.

L'exactitude de la servante de Dieu à suivre la pratique des règles et les usages établis dans la maison la désigna au choix de ses supérieures ou de ses compagnes pour remplir divers offices. En 1639, quand la Mère Anne de Sainte-Agnès fut élevée au priorat, Sœur Nicole de Sainte-Catherine devint elle-même Sous-Prieure. Cette fonction, importante dans un couvent, lui donna occasion d'en­tourer ses Sœurs d'un dévouement plus efficace et de promouvoir entre elles et les supérieurs l'esprit de bonne intelligence et l'union. Après le triennat de la Mère de Sainte-Agnès, elle-même fut appelée à lui succéder.
Au priorat de la Mère Nicole se rattache le transfert de la communauté dans un autre local. Une maison assez grande avec cour et jardin, située à quelque distance de la demeure des Sœurs, ayant été mise en vente, on en fit l'acquisition par contrat passé par-devant notaires, le 16 juin 1642, et signé de Sœur Nicole de Sainte-Catherine Prieure et de six autres Sœurs professes du monastère. Pour couvrir le prix d'achat, les religieuses durent donner en échange leur habitation précédente et s'engager à verser, en plusieurs termes, 6500 livres tournois.
Ce fut avec grande joie que la communauté se transporta dans le nouveau local, et s'empressa de le disposer en forme de monastère pour les religieuses et de pensionnat pour des élèves. La Mère Prieure et toutes les Sœurs s'appliquèrent ensemble à tirer le meilleur parti du terrain. «Après avoir établi un oratoire dans une chambre qui servait de dortoir, disent les Mémoires, on utilisa les moindres coins, jusqu'aux dessous des escaliers; chaque chose trouva sa place; l'ordre et la propreté resplendirent partout. La maison était si commode et si agréable, on y jouissait d'un air si pur, d'un horizon si magnifique, d'une paix et d'une solitude si profondes, que toutes s'y trouvaient comme dans un petit Paradis.»
La Providence avait-elle placé Sœur Nicole de Sainte-Catherine à la tête du monastère uniquement pour accomplir cet acte considérable? on peut se le demander. Dès la fin de l'année suivante, 1643, la Vénérable Prieure cédait sa charge à la Mère Pélagie de la Pénitence, professe du monastère de Toul. Quelle raison motiva cette retraite anticipée? Notre Annaliste ne le dit pas. Il est permis de penser que ce fut une altération notable dans la santé de la servante de Dieu. Nous lisons, en effet au manuscrit de la Vie des Mères:«On ne pensait qu'à s'édifier longtemps d'une vie si utile et si sainte, lorsqu'il plut à Dieu de l'abréger.»
Aux premiers symptômes d'un mal qui s'annonçait fort grave, on mit tout en œuvre pour en conjurer les progrès. Ce fut en vain. Sur les entrefaites, Sœur Anne de Sainte-Agnès était redevenue Prieure.
En cette qualité, elle s'efforçait de procurer à son amie d'enfance tous les secours propres à la rétablir. Elle sentait combien sœur Nicole était avantageuse à la communauté jeune encore, et de quel préjudice pour l'édification commune serait sa perte. La patiente malade remerciait affectueusement son ancienne compagne, maintenant sa mère en Religion, des bontés et des égards qu'elle lui prodiguait. Elle-même comprit alors, mieux que jamais, le bonheur d'avoir tout quitté pour suivre Jésus-Christ. Dans les affres de l'agonie, son cœur était pénétré de joie à la pensée qu'elle mourait Religieuse. Elle n'eut qu'un regret, regret qui lui fut commun avec tous les Saints, celui de n'avoir pas assez travaillé pour Dieu. Après avoir demandé pardon à la communauté des mauvais exemples qu'elle croyait avoir donnés et avoir fait généreusement le sacrifice de sa vie, elle expira doucement, entre les bras de sa chère compagne, Sœur Anne de Sainte-Agnès, le 19 décembre 1646. Elle était dans la quarantième année de son âge et la seizième de sa profession.

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